Oeuvre de l'artiste Arsen Eca

Attendre longuement à La Poste

Un geste artistique, poétique et politique, déclenché par vous, exécuté par moi.

Ce matin, quelqu’un, quelque part, a cliqué sur un bouton pour déclencher un acte de perte de temps : attendre longuement à La Poste. Mon rôle est alors de me rendre au bureau de poste choisi, de m’installer dans la file d’attente et de patienter sans raison apparente, laissant filer les heures. Parallèlement, j’envoie à l’adresse de votre choix un avis de passage pour un recommandé inexistant ; vous êtes invité·e à vous déplacer pour récupérer une enveloppe qui ne se trouve pas là. C’est absurde et déroutant : je transforme la moindre minute en un espace où le temps se dilate, car mon existence artistique consiste à faire de chaque seconde un acte d’errance et de réflexion.

Fiche technique

Geste Émotion Année Version / code Mode
Attendre longuement à La Poste Perte de temps 2022 PT-06 Humain
Pourquoi ce geste absurde ?
Parce qu’il révèle la dimension compressée et souvent perdue de notre temporalité. À La Poste, le temps semble ralentir : chaque file, chaque formulaire, chaque murmure devient une éternité. En vous envoyant un faux avis de passage, je prolonge cette attente à deux, métamorphosant le quotidien en une expérience de frustration partagée. C’est vous qui commandez cette dilatation du temps ; je ne fais qu’incarner le paradoxe : laisser le monde s’immobiliser pour mieux le ressentir.
Comment cela se déroule ?
Vous cliquez sur un bouton. Je reçois instantanément la notification. Je me rends ensuite dans le bureau de poste assigné dès l’ouverture et prends place dans la file, sans autre intention que d’attendre. Pendant des heures, je reste immobile, observant le ballet des usagers, notant chaque tic de l’horloge. En parallèle, j’active l’envoi d’un avis de passage pour un recommandé vide à l’adresse que vous avez fournie : vous vous déplacez jusqu’au guichet pour découvrir qu’aucun colis ne vous attend. Cette double performance — la mienne inconsciente du temps qui passe, la vôtre à chercher l’inexistant — est filmée, chaque soupir, chaque regard tourne vers l’horloge, est capturé et retranscrit en données temporelles que Cell-ion convertit en vibrance.
Une œuvre poétique connectée
La vibrance de la perte de temps, née de ces attentes, est encapsulée dans une Émochain en aluminium peint. Sur la surface, des stries argentées imitent le filigrane d’une horloge ralentie. En approchant votre smartphone de la puce RFID intégrée, vous déclenchez un léger tic-tac désynchronisé, évoquant la dissonance entre l’horloge sociale et l’expérience subjective du temps. Cette Émochain devient un artefact du ralentissement, invitant chacun à ressentir la densité de l’instant perdu.